Lors de mon premier « épisode« , j’arrivais tout juste à l’aéroport de Ouaga, morte de trouille. D’une, parce que j’étais à destination en terre inconnue; et de deux, parce que l’avion avait pris pas mal de retard (je vous déconseille la compagnie Air Algérie si vous ne voulez pas perdre de temps!) et ne pouvant pas prévenir les personnes qui devaient m’accueillir, j’avais bêtement peur de n’y trouver personne!
Retard qui ne s’arrange pas avec les formalités diverses à suivre avant de pouvoir récupérer ses bagages et sortir (enfin) de l’aéroport. Il faut montrer patte blanche concernant les vaccinations, puis remplir une fiche d’immigration avec les moindres renseignements (Dieu merci, j’ai gardé sur moi tous les papiers contenant les coordonnées de l’association). La police d’immigration est intransigeante sur les adresses, les numéros de téléphone et la couleur avec laquelle on a écrit! Je suis bonne élève, alors je n’ai pas le moindre souci, mais j’en ai vu un certain nombre se faire recaler avant moi et devoir tout reprendre à zéro.
Voilà, je suis passée dans les dernières, il est déjà 1h et des brouettes (je devais arriver vers minuit). Maintenant, le stress des bagages: qui n’a jamais eu cette angoisse de ne pas trouver ses bagages sur le tapis roulant?! La chance ne m’a pas tout à fait abandonné: rapidement, mon sac à dos et ma valise débarquent sur le tapis, l’un après l’autre. Je récupère le tout et je file vers la sortie, à la fois soulagée et un brin anxieuse.
Ah, ça y est, j’approche des « accueillants »: il y a du monde, je zieute partout à la recherche d’un indice me signalant mon accueil. Et là, je la vois: la pancarte de l’association qui doit me prendre en charge.
Je rejoins le jeune homme local qui détient ladite pancarte: Wilfried sera donc mon premier contact burkinabé! Il fait partie de l’association, y gère surtout les sorties, a 20 ans et est menuisier de profession (je vous rassure, je n’ai pas su tout ça dans l’instant!).
Arrive à peine quelques secondes après Thiery, un autre membre de l’association, plus ou moins cousin (là-bas, ils sont tous plus ou moins cousins!) du responsable de l’association chez qui je serai logée.
Nous sortons de l’aéroport, il fait nuit et je ne distingue pas tous les détails (un mois plus tard, pour mon retour à Paris, je ne reconnaîtrai rien).
Thiery m’annonce alors que nous partons chez lui et Fabrice (le responsable de l’association), à environ deux kilomètres de là. Nous y allons en moto… Dès qu’il me sort ça, dans ma tête, j’ai tiqué: non, il n’est pas sérieux, on ne va tout de même pas prendre une moto alors que je suis chargée d’un énorme sac à dos et d’une valise?!!! Et pourtant, nous nous dirigeons bien vers le parc à motos (ce qu’ils appellent moto se rapproche du scooter). Wilfried partira seul avec ma valise, je monterai derrière Thiery avec mon big sac. Le temps de nous mettre en place, et c’est parti dans les rues de Ouaga!
Mine de rien, en pleine nuit, il fait frais. Je regrette presque de ne pas être plus couverte! Je profite du fait que nous circulions pour observer tout autour de moi. La circulation est fluide à cette heure, les bords de route désertés par la population. Je vois les échoppes défiler, de chaque côté de la route: coiffeurs, banques, boutiques de téléphonie, etc. J’avoue avoir essayé de repérer les cyber-cafés, afin de pouvoir donner des nouvelles à mes proches. A ce moment, je ressens une sensation de bien-être à l’idée de cette aventure qui commence tout juste.
Nous quittons la route principale pour aborder des chemins de terre et de poussière rouges (la fameuse, celle qui ne me lâchera plus de tout le séjour, mais j’aurai sûrement l’occasion d’en reparler). Et plus nous avançons, plus nous prenons des chemins étroits, de plus en plus inconfortables et de plus en plus encombrés de déchets. Je commence à me demander dans quel traquenard il m’emmène. De plus, nous avons perdu toute trace de Wilfried et je m’inquiète malgré moi pour ma valise (j’ai des tendances parano parfois!).
Enfin, Thiery s’arrête devant un portail. Lorsque je le passe, je découvre une petite maison qui a l’air bien mignonne. La porte s’ouvre laissant apparaître la Mama. Elle m’accueille rapidement, sans chaleur: la pauvre s’est levée exprès pour nous ouvrir alors qu’elle dormait.
****La petite maison sous le soleil burkinabé****
En pénétrant dans la maison (qui sera la mienne pour les 5 semaines à venir), je ne peux m’empêcher d’être surprise. Je m’étais bien sûr préparée à ne pas vivre le même confort que chez nous, mais ça n’empêche en rien cet effet de surprise. Avec le recul, je pense que j’aurais pu tomber sur bien pire.
Thiery m’accompagne dans la chambre qui m’a été attribuée (celle de Fabrice qui me l’a généreusement léguée le temps de mon séjour). Ils ont pris soin de faire le lit et d’y installer une moustiquaire. J’apprécie cette attention (même si j’avais prévu la mienne et mon Insect Ecran). Je crois bien que la chambre m’a laissée encore plus perplexe que le salon! En comparaison, ce dernier est tout à fait présentable!
Thiery me laisse le choix de me coucher tout de suite ou de se poser un moment dans le salon. J’opte pour un instant de causette. Nous nous posons dans les fauteuils, il allume la télévision (un vieux modèle tout gros, tout carré, mais la télé!). Il laisse un téléfilm français où j’y reconnais un acteur (je ne me souviens plus lequel, mais en ces premières heures, ça me réconforte: je me sentirais presque chez moi).
Je commence à lui poser quelques questions. Et je commence surtout à voir les moustiques s’affoler autour de moi!!! Après tout ce que j’ai pu lire et entendre, ça me stresse à mort: dans ma tête, je fais direct l’association moustiques-paludisme! J’essaie de tirer sur les manches de mon pull pour me couvrir au maximum! Et autre chose: j’aperçois des cafards qui gambadent sur la table (bon appétit!)…
Après notre petite discussion, il se fait tard: 3h (4h en France). Avant de me coucher, je veux passer par le petit coin. Je demande par où ça se passe. Thiery m’annonce qu’il faut aller dehors. Un coin est aménagé à côté de l’entrée, sommaire comme je m’y attendais: un simple trou recouvert d’une coupelle. Plus tard y seront associées quelques frayeurs!
Je prends possession de ma chambre et je me décide enfin à tenter d’envoyer un sms à Mum pour la prévenir que je suis bien arrivée. Bien qu’il soit 4h là-bas, elle me répond immédiatement! Elle a dû être soulagée d’avoir enfin des news.
Je m’installe dans le lit: AÏE! Le matelas a vécu! Il est fin et tellement défoncé que je sens les lattes sous mon dos et mon derrière! Fabrice m’en reparlera et le matelas sera changé une ou deux semaines plus tard (ouf! parce qu’à la fin, ça ne devenait plus possible, et je suis pourtant capable d’endurer pas mal de choses!).
Je mets un moment à m’endormir. Durant la nuit, j’entends des bruits étranges. Pas au point d’avoir peur, seulement interpellée. Je n’ai jamais su ce que c’était, bien que j’aie posé la question (une bestiole quelconque).
Les maisons ne sont bien entendu pas conçues de la même façon que chez nous. S’il y a des portes, elles sont faites de bric et de broc. Autrement, seul un rideau départage une pièce d’une autre. Et à cela s’ajoutent des trous dans le haut des murs. Bref, si on cherche le silence au petit matin (ou le soir quand on se couche avant les autres), c’est foutu!
J’ai entendu les allers et venues des habitants de la maisonnée, mais je me suis malgré tout rendormie. Je n’osais pas me lever: je ne sais pas si vous avez déjà eu cette impression, quand vous n’êtes pas chez vous, que vous ignorez où se trouvent les choses, etc. J’ai peut-être dû me lever vers 9 ou 10 heures.
Thiery était présent, déjà prêt à entamer sa journée (ils sont très matinaux pour profiter tant qu’il ne fait pas encore trop chaud). Il se propose de me préparer le petit-déjeuner. Je n’ai aucune idée de ce en quoi consiste leur ptit-déj! Ce sera pain beurré et thé. Ca me va, bien que je ne tolère que moyennement le goût du beurre (remplacé par la suite par de la confiture).
Fabrice débarque enfin. J’ai longuement échangé par mails avec lui avant mon départ et j’imaginais un homme d’un certain âge. En réalité, il est aussi âgé que moi. Il prend connaissance de mon arrivée et mon installation, mais Monsieur est affairé et il repart aussi vite qu’il est arrivé (pendant mon séjour, c’est comme si on n’avait fait que se croiser)!
Je m’informe auprès de Thiery de la façon de procéder à la toilette. C’est simple: on se trouve un coin dans le jardin (en lisant « jardin », n’imaginez pas les jardins plein d’herbes bien vertes, mais de la terre sèche), on prend l’espèce de bouilloire et on se débrouille avec ça. Là, je parle d’une toilette sommaire: se débarbouiller le visage et se brosser les dents (en faisant attention de ne pas avaler l’eau…). Pour la douche, je la prendrai chaque soir après avoir fait chauffé l’eau et l’avoir versé dans un seau. J’ai bien fait d’avoir prévu un shampoing sec, parce que pour se laver les cheveux, ce n’est pas ce qu’il y a de plus pratique quand on n’a pas l’habitude (se verser l’eau puisée dans le seau à l’aide d’une petite gamelle).
La journée se poursuit tranquillement à comater devant la télé. Là encore, quand on n’a pas l’habitude, pas facile d’assimiler le rythme de vie! C’est sûr qu’entre Paris la stressée et stressante, et Ouaga la cool, y’a un fossé incommensurable! A Paris, on court toujours, partout. A Ouaga, on prend son temps. Et les premières journées, sans mes occupations quotidiennes de Parisienne, me semblent bien longues. Une semaine à patienter avant le retour des enfants en classe…
La première journée est marquée par une petite balade dans le quartier. Il fait beau et chaud. Le choc alors que nous sommes au mois de décembre à un jour du Réveillon du Nouvel An! Je découvre la pauvreté des lieux, la misère: les « rues » (peut-être devrais-je dire chemins) sont jonchées de saletés, de détritus. Des animaux traînent en dehors des propriétés: poules, chèvres, chiens (faméliques). C’est clair, je suis dans un autre monde! Je suis outragée et gênée, j’aurais envie de faire n’importe quoi pour changer tout ça!
En fin d’après-midi, Fabrice refait surface et m’emmène dans l’un de ses QG. On y retrouve des voisins. Passées les premières questions à mon égard, ils se remettent à parler entre eux, dans leur dialecte local: le moré (ou mooré). Nous ne restons pas très longtemps, c’est juste un premier contact avec les autochtones.
Chaque repas est choisi avec soin par Fabrice afin de ne pas brusquer mes intestins. Je mange des spaghettis à la sauce tomate, ou du riz. Les premiers temps, les repas du midi sont achetés dans une échoppe, ceux du soir préparés par la Mama.
Le lendemain, nous attaquons la dernière journée de l’année 2012. Fabrice, outre son activité liée à l’association, mixe dans des bars et restos et en cette soirée de Nouvel An, il a deux soirées à animer. Il m’emmène avec lui toute la journée pour l’installation du matériel chez des particuliers, puis pour ses soirées. D’abord, un resto « français ». Je suis bien accueillie, le repas m’est offert, je discute avec l’un des serveurs. Au bout de 2-3 heures, un de ses collègues vient prendre la relève. Il est super sympa, il me met de suite à l’aise.
Mais Fabrice et moi partons chez les particuliers. C’est chez eux que je ferai la transition 2012-2013. La maîtresse des lieux nous offre à boire et nous propose même de manger un bout. A minuit, les invités viennent nous souhaiter la bonne année et nous taper la bise quand bien même nous ne les connaissons pas (c’est ça la convivialité africaine! Même si là, la majorité était d’origine européenne). On m’invite même à venir danser, mais je suis trop gênée pour ça. Plus la soirée avance, plus il fait frisquet. Je finirai la soirée frigorifiée! Nous rentrons au petit matin et au loin, j’entends l’appel à la prière depuis la mosquée.
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La suite au prochain épisode…